Contre-pied
Dans ce numéro de Komando, on parle des formats qui assument d'être "brutalement honnêtes" pour sortir du bullshit corpo' devenu inaudible.
Bien le bonjour !
Je suis d’extrêmement bonne humeur au moment où je boucle ce numéro pour deux raisons : déjà parce que, pour ceux qui ont suivis, j’ai organisé il y a deux semaines mon 1er évènement physique avec Komando chez Veja… et c’était vraiment cool ! Les speakers étaient quali’, le lieu dingo et j’ai eu de super retours… donc c’est re-parti, je m’embarque déjà pour organiser le prochain évènement de septembre !
Et la deuxième raison, c’est que je m’envole demain pour passer 1 mois à New York. Je vous raconterai très vite pourquoi j’ai pris la décision d’aller y bosser (et spoiler, un nouveau projet autour de ça est dans les cartons…) car ça ne sort pas de nulle part.
Mais pour l’heure, j’ai décidé de me focaliser dans ce numéro sur des formats qui s’amusent à prendre le contre-pied de formats traditionnels : des campagnes touristiques qui ne vous disent pas que c’est une destination parfaite (mais tout l’inverse), des pages “qui sommes-nous” qui sortent du bullshit corpo’… Bref, un peu de “brutal honesty” comme ils disent outre-atlantique.
Sur ce, bonne lecture !
🫡 Kéliane — keliane@komando.studio
Ne visitez pas Oslo
En résumé — Combien de fois a-t-on vu des acteurs du tourisme vanter à quel point LEUR destination est incroyable ? Si bien que cet espace de com’ devient saturé… Alors Oslo a décidé de prendre le contre-pied et de raconter pourquoi en réalité elle ne part pas gagnante sur le papier, pourquoi elle est somme toute presque trop normale : pas de queue pour les musées ou les restaurants, pas d’incontournables culturels, tout est (trop) simple, (trop) accessible par rapport aux autres grandes villes…
Pourquoi c’est intéressant — Pour la maîtrise subtile de l’ironie, en racontant tout ce qui ne va pas à Oslo et en se moquant même de la “normalité” de la capitale, à travers les yeux blasés d’Halfdan, 31 ans, qui en conclut même ce qui devient la baseline de la campagne : « est-ce même une ville ? ». Ce ressort est toujours le plus difficile à doser et à réaliser, et pourtant, quand c’est réussi, c’est l’un des plus efficaces : l’humour rend les pubs 11% plus distinctives (étude Kantar), avec 90 % des gens plus susceptibles de s’en souvenir (Oracle). Et au final, c’est ce contre-pied et une narration incarnée qui s’inspire du réalisateur nordique Joachim Trier et son film “Julie (en 12 chapitres)” (‘The Worst Person in the World’) qui permet de montrer l’authenticité de la démarche… et donc de redevenir audible dans un secteur - celui des pubs touristiques - saturé. Bref, on aboutit à une pub qui n’en a pas l’air, avec un article qui reprend tous les sites à voir qui méritent le détour… à travers les scènes du clip. Résultat ? La campagne est devenue virale en quelques heures sur Instagram (2n3M de vues, 32k likes) et TikTok (1,7M de vues).
La page « Qui sommes-nous ? » non bullshit
En résumé — La marque de vêtements éco-responsables Loom vient de refaire sa page « Qui sommes-nous ? » sur son site, sous forme d’une conversation avec un sceptique.
Pourquoi c’est intéressant — Parce que les pages « Qui sommes-nous ? », « Raison d’être » ou « Valeurs » de toutes les boîtes sont généralement : 1) tellement génériques, qu’on pourrait masquer le logo en haut et les inter-changer, 2) l’équivalent d’un discours de Miss France expliquant tout ce qu’elles font bien comment elles vont changer le monde (rien que ça). Alors forcément, quand des marques font un exercice d’humilité pour essayer de convaincre pourquoi ils font honnêtement leur possible pour être responsables mais que, non, tout n’est pas parfait, et qu’ils sont transparents avec ça (en répondant point par point aux critiques les plus récurrentes)… et bien ça créé un rapport différent où, déjà, on est plus aptes à écouter. Reprendre les codes graphiques d’une conversation SMS rend en plus le format plus digeste et le tout avec un ton (toujours sous-côté et tellement important…) qui incarne la “patte” de Loom, cash et accessible.
→ Voir la fameuse page « Qui sommes-nous ? »
« Please mind the gap between the view and your headphones … »
En résumé — TrainTrain : c’est le nom de ce projet barré, “des vidéos contemplatives de vrais paysages de train avec des playlists pointues par dessus, curatées par nos soins”. Le but ? Retrouver la nostalgie de l'émerveillement du voyage, le bénéfice contemplatif et méditatif des rails ou tout simplement (re)découvrir des paysages et artistes.
Pourquoi c’est intéressant — Et si un office de tourisme ou une compagnie ferroviaire lançait une chaîne Youtube de paysages de trains incroyables avec des playlists pointues par dessus ?
→ Découvrir la 1ère soundtrack, Marseille St Charles - Miramas (et l’histoire de ce projet)
Le HugoDécrypte belge qui renouvelle l’exercice des interviews de politiques
En résumé — Il s’appelle Elio Acar et c’est Max qui me l’a fait découvrir. C’est un étudiant belge à Sciences Po qui s’est donné pour mission de vulgariser la politique, notamment avec une série d’interviews pendant les dernières européennes avec comme ligne rouge le côté “sans langue de bois”.
Pourquoi c’est intéressant — Ses formats sont rafraîchissants notamment grâce à sa posture : il réussit à renouveler un exercice très tradi’ d’interviews de candidats… en assumant très vite une proximité avec ses interlocuteurs. Comment ? Par le tutoiement. Par l’humilité (avec des intro type “Lui, c’est Paul Magnette, le président du PS. Et ça, c’est moi, un étud… enfin… euh”), en se mettant au même niveau que le spectateur et en l’embarquant avec lui, pour se parler entre pairs sans se prendre trop au sérieux ni se prendre pour un journaliste. J’aime aussi le mélange entre l’apparente décontraction sur la forme avec des typo à la mano, un ton très cash… alors qu’en vrai, c’est un crack du tournage et du montage et que ses formats sont très bien construits, aussi bien sur l’arc narratif (teasing, interviews, ponctuation par des moments plus décontractés et cash…) que sur les effets visuels.
→ Voir l’exemple de son interview du patron du PS
Donner en un swipe
En résumé — *Disclaimer, la campagne date de 2014 mais je viens de la découvrir*. L’ONG allemande Misereor a lancé Social Swipe, des panneaux d'affichage digitaux… qui permettent en un swipe de faire un don de 2€ avec sa carte bancaire.
Pourquoi c’est intéressant — Parce que les dons à des assos sont en baisse et souffrent du flou sur l’utilisation concrète de cet argent. En permettant à un panneau d’accepter les cartes bancaires, l’asso simplifie et gamifie l’expérience de don (plus que la fameuse boîte de conserve…), qui devient interactive et permet de voir l’impact de son don et de “récompenser” immédiatement le donateur. Concrètement, quand la personne glisse sa CB dans le lecteur… et cela coupe une tranche de pain (pour montrer que chaque don permet de fournir un repas à une famille au Pérou) ou les mains liées d’un enfant philippin emprisonné. Résultat ? En un mois, les panneaux installés essentiellement dans les aéroports internationaux ont permis de lever 3000€. Et comme les donateurs étaient ensuite invités à transformer ce petit don en don mensuel, l’asso a vu une augmentation de +23% de personnes qui ont fait plus de 3 dons dans l’année.
→ Voir le case study de la campagne
Et si… on aidait les gens à lâcher leurs tél’ ?
En résumé — C’est le pari de la startup belge Stolp que j’ai découverte à l’occasion de mon 1er évènement de veille de tendances avec Komando (ndlr: j’ai pu faire un partenariat avec eux pour mettre des boîtes sur chaque chaise pour que chacun lâche son tél’ le temps de la soirée et soit pleinement attentif).
Pourquoi c’est intéressant — Ce que j’aime avec Stolp ?
Leur raison d’être : ils sont partis du fameux “why” de Simon Sinek avec leur baseline ? “Less pings & rings = more time for other things”, l’équivalent du fameux “déconnecter (des écrans) pour se reconnecter (au monde extérieur)”.
Leur approche design avec un rebranding volontairement épuré (le packaging ressemble même paradoxalement… à des boîtes d’iPhone), minimaliste et cohérent avec leur mission. Ils misent aussi beaucoup sur la psychologie des habitudes, autrement dit reprendre des codes connus (en termes de symboles, de couleurs….) pour que ce rituel soit facilement assimilable.
Leur campagne “Don’t stop, Stolp®” avec des affiches et dessous de verre colorées et minimalistes, aux baselines bien vues pour interpeller sur nos comportements parfois absurdes avec nos tél. Et leurs “coups” malins : le fameux “guy with a pancart” déployé dans le métro, probablement l’un des lieux où les gens ont le plus le nez collé à leur écran ; un compteur de personnes absorbées par leur téléphones vs personnes qui lisent leur pancarte en l’air ; l’inimitable efficacité de la femme-sandwich pendant le Black Friday…
PS : ils travaillent notamment beaucoup en B2B, pour mettre des boîtes (personnalisables) dans des salles de réunion, à des évènements ou pour des cadeaux corpo’ plus utiles que l’énième boîte de chocolats. Contactez Julien, le fondateur, de ma part si vous voulez en savoir plus !
C'EST PEUT-ÊTRE UN DÉTAIL POUR VOUS MAIS...
🎞 Un "genre de docu" — Big Flo et Oli ressortent des archives oubliées de l’enregistrement de leur dernier album, il y a un an, et en ont fait un docu brut 7 minutes, dans la lignée des vlogs coulisses sur des créateurs ou artistes, comme Montre jamais ça à personne (sur Orelsan), Merci Internet (sur Squeezie) ou Presque Trop (sur Big Flo & Oli).
💬 Les coulisses de Top Chef racontées sur WhatsApp — Pendant la diffusion de l’émission, Konbini Food a créé un groupe WhatsApp avec 3 des candidats les plus emblématiques — Valentin, Jorick et Clotaire — pour raconter "l'autre" Top Chef, celui des coulisses et du huis-clos dans un hôtel en périphérie de Paris. Autre couverture sympa de l’émission : l’interview-déambulation des 2 finalistes au Marché des Enfants Rouges ou l’un des candidats qui a documenté tout le tournage avec ses photos à l’argentique.
🤳🏻 Discuter avec des hologrammes à JFK — Une startup américaine a installé une cabine d’hologramme dans l’aéroport américain : vous pouvez littéralement discuter avec Howie Mandel, un candidat de l’émission America's Got Talent. Et ce qui est marrant c’est que la boîte en a déployé dans d’autres endroits touristiques à NYC (au Rockefeller Center, à NYU…) et qu’on peut y mettre n’importe quelle personnalité : imaginez le champ des possibles…
🗳 Le plus grand parti du Royaume-Uni ne veut pas que vous le rejoigniez— Lors des dernières élections générales britanniques de 2019, 33 % des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes, soit plus que ceux qui ont voté pour le Parti conservateur. D’où l’idée de la campagne The Unheard Third, qui serait le plus grand parti politique du Royaume-Uni, en détournant la com’ politique habituelle d’un parti (« Le parti politique que vous ne devriez pas rejoindre », « ne votez pas pour nous »…). Pourquoi c’est malin ? Parce que beaucoup de campagnes incitent les gens à s'inscrire pour voter… mais peu s’adressent à tous les inscrits qui ne vont pas voter.
🫡 Un café japonais anti-page blanche — Si vous êtes plutôt adepte de la procrastination, le concept du Manuscript Writing Café devrait vous intéresser. Ce petit café de 10 places se revendique comme un temple de la concentration et attire en particulier les écrivains, étudiants ou journalistes qui viennent y trouver de l’inspiration… en fixant à leur arrivée un objectif de travail.
📝 Carnet de bord — Vous n’êtes pas sans savoir que j’aime particulièrement le format de newsletter et que je le trouve sous-côté, notamment pour des dirigeants ou des politiques. Un bon exemple récent sur lequel je suis tombée, c’est la newsletter de Salomé Géraud, une entrepreneuse qui a monté Le Drive tout nu, le premier réseau de drives et supermarchés zéro déchet du monde.
🤌 Le média que j’aurais aimé avoir à 8 ans — Chaque numéro du New York Times Kids est une pépite sur la forme et sur le fond. Dernier exemple avec le numéro spécial Independance Day, axé sur la confiance en soi & l'empowerment (apprendre à investir, débattre de politique...).
📽 À la Super 8 — J’ai découvert par hasard Straight 8, un concours de films créé en 1999 avec comme défi de réaliser un court métrage de 3 minutes avec une Super 8 : sans reprise ni montage. Tout à l’ancienne. L’origine du concept ? La volonté de mettre des contraintes… pour pousser les cinéastes à être plus créatifs, avec un rendu volontairement imparfait, donc moins stressant, pour les pousser à s’amuser.
C’est tout pour aujourd’hui ! On se donne rendez-vous mardi 16 juillet pour le prochain numéro.
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Comme toujours : merci !
Le NYT pour les petits est vraiment intéressant. Il serait impossible de proposer ça en France, rapidement, les gens gueuleraient à la propagande infantile. Mais ça en dit assez long sur le gap de culture entre "l'élite culturelle" US et celle française.
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